Abrutis
par l’action combinée de l’alcool et du sucre, nous eûmes un sursaut
assez désagréable quand une voix féminine s’éleva près de nous :
« Messieurs, disait-elle, vous pardonnerez, j’espère, mon indiscrétion,
mais j’ai, sans le vouloir, entendu votre dialogue, et cru comprendre
que l’un d’entre vous était Sir Shumule himself... L’illustre Sir Shumule !… Shumule le reluisant !… Shumule, le roi des blogueurs !… »
J’étais dos à l’intruse. Fix, qui lui faisait face, me souffla dans l’oreille : « Regarde ! C’est Kylie Minogue ! » – Je tournai vivement la tête – et me retrouvai nez à nez avec une
authentique fée multicolore, – de module Clochette, – qui voletait
au-dessus du comptoir en répandant de la poussière d’étoile !!! o.O
(Bien sûr, Fix était un peu paf, mais, effectivement, en lumière
tamisée, la créature magique avait un faux air de Kylie Minogue, et
portait des boots, conformément aux visions d’Ozzy Osbourne.)
Elle me
déclara sans ambages être ma plus grande fan, ma « groupie haletante »
(sic), tout avoir lu de moi, etc. mais me reprocha de n’avoir jamais
clairement répondu à nombre de « questions essentielles » (sic) posées
par les Smart Ass Commentators de feu mon Blood-Splattered Blog – « Des questions, précisa t-elle, comme : « Est-il permis à une femme d’avoir des relations sexuelles avec un morse ? », ou : « La lune est-elle une banane, et, dans ce cas, où se trouve l’épluchure ? », ou encore : « La lune est-elle un camembert plâtreux ? »… »
Après s’être interrompue pour siffler le
barman (!), et lui commander trois Adios Motherfucker (« mon cocktail
favori, gloussa t-elle, égrillarde : très joli visuel, mais blackout
assuré ! »), la fée, subitement grave, me regarda dans les yeux, et
martela d’une voix lente : « La question fondamentale pour moi, Sir
Shumule, – la question à laquelle je vous somme de
répondre sur-le-champ – ici même – vous fut posée le dimanche 22 juillet
2012, par un certain « Supérieur Inconnu ».
« Cette question, que vous connaissez bien – cette question que vous avez tout fait pour occulter – car elle vous dérange… – cette question, Sir, est la suivante :
« Helluvah Holy Guru, la vie est-elle un légume imparfaitement cuit ? »
« Allez, mon cher… Nous vous écoutons… »
La Porrophagie dans le Fumoir
« Eh bien, Amie, commençais-je (renversé dans les coussins profonds d’un cosy petit fumoir où nous nous étions repliés), voilà
ce que, dans notre jargon, nous appelons une question « diva » :
hyper bonne, mais difficile… Une question qui, du reste, en entraîne
bien d’autres : le Karma est-il une cuisinière vegan
au talent discutable ?… Pourquoi les temps de cuisson ne sont-ils pas
démocratiquement votés par des représentants du personnel hôteliers ?… Qu’est-ce, au bout du compte, qu’un légume, sinon ce que nous passons notre enfance à tenter de ne pas manger ?… Tout cela va loin… Interrogeons les Anciens…
« Le premier légume que mentionne l’Edda est un poireau, ce qui manque cruellement d’élégance. Nous lisons :
Áðr Burs synir biöðum um ypþo, þeir er miðgarð mœran scópo ; sól scein
sunnan á salar steina, þá var grund gróin grœnom lauki.
Avant
de créer l’Enceinte du milieu, les fils de Borr se bâtirent un palais.
Le soleil de midi étincelait sur les murs de la grande salle et la
terre se couvrait d’herbe verdoyante. (Völuspa, 4)
Or, la fin de la vísa, < þá var grund gróin grœnom lauki
>, traduite ici par : < la terre se couvrait d’herbe verdoyante
>, signifie littéralement : < du sol, ont poussé de verts poireaux
>…
« Eh oui ! Contrairement à la superstition commune, l’hépatique (hepaticophyta) n’est pas la première plante qui ait paru à la surface de la planète : c’est le poireau (allium porrum)
qui l’est – on peut raisonnablement en déduire que les Ases de l’époque
se nourrissaient exclusivement de quiches, et que la jet-set ne se
bousculait pas aux soirées macrobio du Valhalla (si merveilleusement
plein-sud que fût orienté celui-ci)…
« Il y a là, je trouve, quelque chose d’humiliant pour les fleurs… le règne végétal commence par le poireau !!! :(
… La prochaine fois qu’un lys tigré crâne en votre présence,
rappelez-lui ses origines !… je veux dire : ces temps étaient rudes,
Amie !… Ils ont laissé, dans la conscience collective de notre peuple,
un traumatisme aigu, une blessure si vive que, pour nous, le poireau est
désormais indissociable de l’idée de verrue faciale, de Mérite
agricole, et de pub gallois…
« Donc, si la vie est un légume, la vie est essentiellement un poireau…
Azur, pour certains, Monstrueux pour d’autres… ou bien Furor, Gros
Long, Malabare, Géant Précoce… mais enfin : un poireau. Et si la vie est
un poireau, la vie est un légume « imparfaitement cuit », puisque il est difficile d’imaginer un poireau « bien » cuit… :/ »
- Sir
Shumule, vous êtes un snob ! interrompit la fée. Assyriens, Égyptiens,
Chinois consommaient du poireau longtemps avant notre ère, et l’on
affirme que, durant l’Exode, les Hébreux regrettèrent trois choses : les
concombres, les melons, et les poireaux…
« Lorsque le Pharaon Khéops voulut
honorer un médecin qui l’avait soulagé d’une infection urinaire, il lui
accorda mille poires, cent cruches de bière, un bœuf, et cent bottes de
poireaux.
« Le
poireau était, en effet, particulièrement florissant en Égypte et de
nombreuses fresques funéraires en représentent une botte à côté d’un
bouquet d’oignons, parmi les produits que le rituel prescrivait d’offrir
aux divinités du Sommeil et des Ténèbres. Il était l’objet des soins
assidus de maraîchers, qui se levaient à l’aube pour aller l’arroser.
« Aristote
affirme que le cri strident de la perdrix lui vient de son goût pour le
poireau, dont la consommation régulière éclaircit la voix. L’empereur
Néron aimait tant la soupe de poireaux qu’il fut surnommé « le
Porrophage »… Mais poursuivez… »
- La vie est-elle un légume ? revins-je, impavide, à mes moutons… Une seule chose est sûre : l’état de poireau, l’état de « légume imparfaitement cuit » constitue l’ambition ultime de la plupart des humains… Ainsi que je l’écrivais récemment : « Ne débranchez pas vos parents qui sont dans le coma : ils ont atteint votre idéal de bonheur terrestre. »
« Y
avez-vous songé ?… Les personnes que l’on appelle communément
« légumes », – celles qui se trouvent à l’hôpital en « état végétatif
chronique », i.e. passée la mort encéphalique, – n’ont pas à se lever le lundi matin… elles ne travaillent pas… elles sont nourries, logées, blanchies à ne rien faire… elles ont du personnel qui les gave, les bichonne, et fait leur toilette, sans qu’elles aient seulement à lever le petit doigt... elles sont toujours en vacances…
n’ont aucune décision à prendre… ni aucune douleur, jamais !… elles
sont, en permanence, plus défoncées que ne pourront jamais vous défoncer
les plus défonçantes de toutes les drogues !…
« N’est-ce pas l’existence d’un Maharadja ?… Que dis-je ? mieux
que l’existence d’un Maharadja, qui a des responsabilités, lui !… Qu’en
pensez-vous ?… Coma dépassé, zéro responsabilités !… et vous voudriez
mettre un terme brutal à tant de bonheur ?!…
« Au nom de quoi ?… Que reprochez-vous exactement à
l’état végétatif ?… Il empêche de prendre les transports en commun ?…
De cotiser à la Sécurité sociale ?… De regarder la télé ?… De consommer
des burgers ?… D’aller chez le dentiste ?… De payer ses impôts, en
rêvant du billet de loterie gagnant qui permettrait de ne plus rien faire – c’est-à-dire d’avoir précisément la vie d’une personne en état végétatif ?…
« Ah, bien sûr… un comateux ne peut pas recevoir l’Initiation, ni faire Huð, ni étudier, ni procréer… Mais l’épargnant médiocre qui, officiellement, n’est pas dans le coma, ne fait, de toute manière, aucune de ces choses… alors, quelle importance ?… »
2. I swoop down upon the black earth ; and it gladdens into green at my coming.
Commentaire : Puisque nous tenons le nuancier, ne le lâchons pas : je ne parviens pas à comprendre que personne ne reproche aux médias d'appeler les femmes hispaniques "brown woman", alors que la complexion de celles-ci est objectivement verdâtre, et non marron — Green women serait cool, et offrirait une lecture intéressante de ce verset : La lumière divine transforme Nicki Minaj en Jennifer Lopez.
3. Children of Earth ! rejoice ! rejoice exceedingly ; for your salvation is at hand.
Commentaire : Tout phénomène est un message direct de DIEU à mon âme — Je ne me préoccupe donc jamais du livreur, mais seulement de ce qu'il apporte.
C'est ainsi que, la dernière fois que j'ai abusé de la faiblesse psychologique d'un riche héritier pour le dépouiller de tous ses biens, et que l'épouse de celui-ci a cru devoir, — en plein tribunal, devant le juge qui venait de lui signifier qu'elle était, désormais, de mon fait, irréversiblement sur la paille, — me traiter de (je cite) "fils de pute" (sic), je me suis fait la réflexion suivante :
"Nous sommes tous Children of Earth, Enfants de la Terre, ainsi que nous le proclamons, chaque dimanche, pendant le Crédo :
I believe in one Earth, the Mother of us all, and in one Womb wherein all men are begotten, and wherein they shall rest, Mystery of Mystery, in Her name BABALON.
Or, Babalon est une hétaïre sacrée : par conséquent, bien que je sois Hadit, Maître de la Connaissance et des Délices, grand dieu céleste, bien-aimé de Nuit, je suis aussi nécessairement, en tant qu'humain, un FDP, au sens absolument littéral du terme : toujours me rappeler le premier en période de descente, pour ne pas trop me décourager, et le second, en période de montée, pour ne pas trop m'emballer."
4. The end of sorrow is come ; I will ravish you away into mine unutterable joy.
Commentaire : Je pensais à ce verset tout à l'heure, en ingérant, pour faire pièce à une effroyable gueule de bois (nous avons pris un peu d'avance sur les fêtes commémoratives de la mort de Dagoberth Ier), mon premier Cuba Libre de la journée.
Car oui ! quelle sorrowful gueule de bois indeed !... Une gueule de bois de nuance nihiliste, qui fait mal pour faire mal !... Accompagnée d'un blackout au moins équivalent à celui qu'éprouvait Abraham Lincoln, le matin où, émergeant d'une nuit de beuverie, après la Proclamation d'Emancipation, il s'écria : "J'ai signé QUOI ???!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"
A propos de Lincoln, c'est aujourd'hui l'anniversaire de la naissance de Robert E. Lee (le général des Confédérés — Saviez-vous qu'il était daltonien, — et qu'il a donc, probablement, adressé des insultes racistes à de nombreux Blancs, — et qu'en dehors d'envoyer des milliers de gens se faire tuer pour une noble cause, sa grande passion était la poésie française ?)
Ce qui me rappelle qu'on m'a (encore) demandé ce matin pourquoi Thelema considère les anniversaires de naissance comme des lesser feasts — J'ai dit : "Il y a mieux à célébrer, chez un grand homme, qu'un jour où il n'a fait que crier sur sa mère qui venait de se taper tout le boulot."
Ce que méditant, allez, amis chers, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons DIEU.
Belle journée à tous.
Love is the law, love under will.
- ☉︎ in 29° ♑︎ : ☽︎ in 18° ♌︎ : ☿︎ : Ⅴⅴⅰⅰ.
Précédents commentaires sur ce péricope :