Paressant,
ce matin, comme un chat en hiver, et contemplant l’état d’érection
monstrueuse, turgide et menaçante, dans lequel je me trouve toujours au
réveil, il me vint, par association d’idée, le souvenir d’un point de
doctrine récemment approfondi.
Sir Richard Payne Knight, de sainte mémoire, a démontré jadis que toutes les religions du monde procèdent d’un culte phallique
initial, qui n’a, dans son principe, rien d’agraire, ni de freudien –
En voici la raison : les Initiés classent les conditions indispensables
à l’existence humaine selon la traditionnelle nomenclature élémentaire –
l’Esprit (i.e. la fusion des opposés, c'est-à-dire l’union sexuelle), la
Terre (l’incarnation), l’Air (la respiration), l’Eau (question de survie
immédiate) et le Feu (l’énergie contenue dans les divers types
d’aliments). Tout cela est très logique. Mais, si le sexe est,
évidemment, la condition première à l’existence, alors la toute première condition à l'existence est l’érection : la condition indispensable à la condition indispensable à la survie de l’espèce est que l’homme bande – Au commencement était la gaule.
(On pourrait aisément en conclure à la phallocratie et au patriarcat,
s'il ne fallait que quelqu'un suscitât la gaule en question – devons-nous en déduire qu'« au commencement était Michelle Rodriguez » ??? – mais je digresse.)
Voilà pourquoi la seule constante absolue, dans les religions
naturelles, est la vénération du phallus érigé, qui – des obélisques
égyptiens aux menhirs celtes, en passant par les lingams de
l’Inde – ne consiste pas à déifier les organes génitaux, mais à
représenter l’origine des choses, i.e. le Divin, sous sa forme la plus
primordiale – donc sa forme la plus pure – donc sa forme suprême. Par adaptation, les gens du peuple ont, partout et toujours, regardé le symbole ithyphallique comme le grand signe bénéfique
– celui qui éloigne le malheur. Et, de même que les Italiens portent
une corne priapique autour du cou pour chasser le mauvais œil, les
Wotanistes portent le marteau de Thór (talisman dont chacun aura
remarqué qu’on peut y voir autre chose qu’un marteau), afin de conjurer
les forces hostiles à l’harmonie du monde, c'est-à-dire la menace de
Ragnarök.
A
ce sujet, il m’est apparu dernièrement qu’un grand nombre de nos frères
avaient une conception très vague, très erronée, très « fin du
calendrier maya », de ce que désigne précisément le concept de Ragnarök
(litt. « Consommation du destin des puissances », généralement traduit
par « Crépuscule des Dieux »), notion absolument capitale dans notre
religion indigène. Ragnarök n’est pas une « fin du monde » arrêtée par
un dieu sadique, une « apocalypse », un Armageddon, du moins pas dans le
sens absurde que le christianisme confère à ces termes. Ragnarök
est la destination constante, perpétuelle, des forces de la
nature. De même que « l’univers fini » – l’homme – conçoit, et
recherche, le bonheur comme une satiété définitive, un repos total (« Que fait-on avec cent millions ? » « Rien. C’est ça l’intérêt : ça permet de ne plus rien faire » [Michel Audiard]),
de même, l’univers infini n’a d’autre fonction, d’autre but, que tendre
constamment, inlassablement, et de tout son poids, vers le Néant –
Ragnarök est à l’existence ce que la gravité est à l’eau. La vie –
c'est-à-dire la dynamique – procède de ce qu’à cette force d’inertie
prodigieuse, s’opposent les énergies que nos Ancêtres appellent
« fureurs » (Wot) : l’instinct de reproduction, qui perpétue biologiquement l’espèce – la Volonté de puissance (au sens nietzschéen du terme, Wille zur Macht)
qui pousse l’homme à agencer le monde, à produire culture, arts et
sciences – enfin l’Initiation, c'est-à-dire la tension vers l’état de
dieu (diamétralement contraire à la tension vers l’état animal, propre à
l’humain lambda – Comme disait le grand mystique allemand Jacob Böhme :
« Pour être sûr d’agir toujours conformément à la loi divine, imaginez
ce que ferait l’homme du commun à votre place, et faites l’inverse » ).
Ainsi
(exemples archi-traditionnels, que tous ceux qui pratiquent leur
Wotanisme ont déjà très probablement entendus 40 milliards de fois), les
mauvaises herbes resurgissent sans arrêt – si le jardinier n’y prend
garde, elles auront bientôt dévoré ses floralies, aboutissant au
Ragnarök de son jardin – grâce aux dieux, la Wille zur Macht – la
fureur divine appliquée à l’intellect – le pousse, chaque jour, à
extirper les mauvaises herbes, à veiller à ce que ses fleurs
s’épanouissent et deviennent aussi belles que possible – Nous devons
nous laver, nous raser, nous coiffer, nous vêtir tous les matins
proprement (et, si possible, élégamment) – sachant
que la repousse de notre barbe, les sécrétions de notre corps et la
saleté extérieure (qui revient invariablement, quel que soit l'héroïsme
de la femme de ménage) auront, dés le lendemain, anéanti le fruit de nos
efforts, nous obligeant à renouveler ces opérations de peur qu’advienne
le Ragnarök de notre vie sociale – Il y a moult exemples de ces
« Ragnaröks individuels » : le clochard, assis, symboliquement, sur le
sol, dont la passivité a fait taire les fureurs – la femme déchue qui, par désir d’obvier à ses fonctions
natives et aux efforts qu’impose la séduction, se laisse couvrir par un skrealing, etc. – La tactique des Muspelheimers a donc toujours été, elle est,
et elle sera toujours, d’étouffer les fureurs (magie, curiosité
intellectuelle, érotisme) dans l’homme, de manière à n’avoir qu’à
cueillir un monde condamné, sans elles, à devenir une sorte de
gigantesque Helheim à ciel ouvert, quelque chose comme la société
dépeinte dans le film Idiocracy – Ils n’ont, en résumé, qu’à
priver l’homme de ses défenses naturelles contre la course à l’Abîme
universelle, de même que les virus qu’ils font naître en laboratoire le
privent de son système immunitaire.
Du
coup, on a souvent tendance à tirer une lecture dualiste de la
condition humaine, qui est de, chaque jour – que dis-je ? chaque seconde
–, faire le choix de s’élever vers le dieu (en accomplissant son thélème,
sa fonction propre dans l’ordre des choses) ou de glisser vers l’animal
(emporté par cet éternel laisser-aller vers Ragnarök que constitue
l’existence incarnée) : le héros voué au Gotheim vs. l’homme du troupeau
voué au Helheim. Mais ce manichéisme est une illusion. Nos Ancêtres ont
décrit les trois forces qui régissent l’univers (et, partant, les trois
degrés de l’âme humaine) de la façon suivante : il est dit qu’au sommet
de l’Arbre du Monde, perche un aigle blanc (symbole de la Neshamah, la
« force blanche », i.e. du divin, de la spiritualité, de l'âme,
etc.), et qu’entre ses racines, gît un serpent noir, Nidhogg (symbole de
la Nephesh, la « force noire », i.e. de l’animal, du matériel, de la corporalité, etc.),
lequel tente constamment de saper les fondations de l’Arbre – Sur le
tronc, vit un écureuil roux, Ratatosk (symbole de la Ruach, la « force rouge », i.e.
de l’humain, de l’intellect, du psycho-sentimental, etc.) qui passe ses journées à
transmettre les messages de l'Aigle à Nidhogg, et les réponses de
Nidhogg à l'Aigle, mais s’amuse, la plupart du temps, à semer sciemment
la discorde entre eux – L’objet de notre incarnation humaine se résume à
faire en sorte que notre Ratatosk interne cesse ce jeu, et consacre sa
verve et son énergie à établir une entente harmonieuse entre l’Aigle et
le Serpent.
- Sir Shumule, 10 octobre 2011.
- Sir Shumule, 10 octobre 2011.