mardi 10 septembre 2019

Septembre au Jardin des Délices

Un membre éminent de l’OTO m’avouait l’autre jour n’avoir jamais réussi, en quarante ans de méditation du Livre de la Loi, à comprendre l’application pratique du Verset < I who am all pleasure and purple, and drunkenness of the innermost sense, desire you > (AL 1, 61).

J’ai risqué cette réponse :

Au lieu d’être celui qui désire, imaginez, à la place, que toute chose vous désire.
 

Votre café du matin désire que vous le goûtiez.

Les arbres n’en peuvent plus d’espérer que vous admiriez le vert tendre de leurs feuilles.

La brise veut que vous jouissiez de sa caresse sur votre joue.

Le sol même attend que vous remarquiez le plaisir sensible qu’il vous procure lorsque vous le piétinez.

Brusquement, le monde s’illumine – et vous aussi ! Il est naturel, quand on se sait désiré, vanté, voulu, admiré, recherché, d’en éprouver un surcroît de vigueur et de se sentir superstar ! Or < every man and every woman is a star > (AL 1, 3) : du coup, notre désir redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : la flamme qu’attise en nous ce qui se trouve en notre présence, et non le cuisant besoin de ce qui n’est pas là.


A part ça, je reçois d’Anonyme la remarque suivante :
"Cela me rappelle, cher Sire, que vous ne nous avez jamais donné l'oracle de Tia concernant l'année 2019, contrairement aux années précédentes. N'est-ce pas le devoir du successeur d'Ankh-af-na-khonsu que de délivrer les prophéties?"
Ami, vous vous trompez : j’ai annoncé, commenté, approfondi cet Oracle pendant une demi-douzaine de cours : que n'étiez-vous présent ?

Mais bon. Il est écrit : < write me runes in the sky : écris-moi les runes qui se trouvent dans le ciel > (LLL 5, 48) et même si proclamer la chose à la mi-septembre me semble un brin tardif, Tia le dit, qui ne se trompe jamais : l’année 2019 de l’ère vulgaire est signée par Ūruz ᚢ et Wunjō ᚹ.

Pour savoir ce qu’elle vous réserve, prenez votre année 2017 (année Ūruz ᚢ / Dagaz ᛞ) et remplacez l’aspect jupitérien de celle-ci (Dagaz ᛞ), son aspect bienveillant-qui-s’essouffle-en-fin-de-banquet, par un aspect purement et plantureusement vénusien (Wunjō ᚹ) : ce que Dagaz, la rune montagnes-russes ᛞ, a conféré de ups-and-downs à votre année 2017 est remplacé, en 2019, par l’aspect « séjour éternel » du Jardin d’Eden.

Comme, en plus, 2019 est, au plan élémental, une année Erda (Terre), nous nous retrouvons définitivement dans l’idée que l’existence est un film de Russ Meyer, et je plains les Querelleurs qui, par manque de responsiveness to change, voudront, avec cet acharnement dans la haine qui est le propre des âmes basses, faire la guerre plutôt que l’amour avant janvier prochain. (Et pourtant, il n'y a pas plus authentiquement martial que moi ! Si j'avais connu Sun Tzu, j'aurais essayé de lui voler un baiser ! Las, les gens "d'extraction peu prouvée" confondent rageux et combattif.)

Cela dit, vigilance ! < who doth not understand these runes shall make a great miss > (AL 2, 27) : Wunjō ᚹ est Amour, mais < there are love and love > (AL 1, 57) : il y a des degrés ! Je me souviens d'avoir écrit, commentant un horoscope de Tia :

L’objet auquel je tiens le plus en ce monde est une montre Chopard Ice Cube offerte à moi par le plus bel amour de ma vie.
Je veille à l’entretien et à la sécurité de ce trésor avec un soin maniaque !!!
Faites-moi pourtant bien l’honneur de croire que, depuis la fin de mon idylle avec celle qui m’en fit cadeau, j’ai livré dans tous les dialectes !... J'en ai tronché des ordonnatrices de rallyes mondains emperlousées, issues des grandes familles de l’Ouest, sous l’œil libidineux de maris candaulistes !… J’en ai cravaché des pénitentes !... J’en ai décapsulé des lolitas, tringlé des nuiteuses cocaïnées, des escortes slaves et des tomboys de choc ! (Notez incidemment, Ô natif du Taureau, donc ami des plaisirs, que le plus beau butt que j’aie vu de ma vie appartenait à une Panaméenne)… Mais rien n’est parvenu à diminuer l’intensité de la ferveur proprement religieuse que je voue à cette montre et à ce qu'elle représente… (31 mai 2018)
Je ne puis trouver illustration plus impeccable à ce que j'essaie de vous dire : le piège de cette voluptueuse année, qu’on pourrait appeler l’Année du Bovin (Ūruz) paissant (Erda) au Jardin des Délices (Wunjō), est que les turpitudes tendent à y devenir des habitudes : l’inertie, comme la tristesse, la culture américaine et toutes les régressions fœtales, est, hélas, un piège agréable.

Voilà, cher Anonyme. Soyez béni à tous les plans imaginables de l’existence – Je vous aime – Et n’oubliez pas : on croit parfois que les cacahuètes sont amères, alors que c’est le film qui est mauvais.

Bénédictions endiablées.

- Sir Shumule

Dora et le Minotaure, Picasso