Je hais le football

Je m’émerveillais, hier encore, qu’en une seule cérémonie de clôture de la Coupe du Monde de football — et via les câlins poupards de Kolinda Grabar-Kitarović — l’image de la Croatie soit passée de Jasenovac à Samantha Fox.

La Croatie est devenue sexy.

C’est, en l’occurrence, bien joué, à tous les sens du terme.

Entendons-nous : j’ai horreur du football.

De tous les sports collectifs (rien que ça : « collectif »… abominable épithète qui évoque – précisément – une fête des moissons en Croatie dans les années 50), le football est le plus démocratique. Je le hais donc a priori.

Et, de fait, le football est haïssable parce qu’il porte – plus qu’aucune autre discipline – l’idée de « sportivité », c’est-à-dire de « valeurs » telles que : respect de l’adversaire, de l'arbitre, des règlements – refus de la violence – acceptation de la défaite, etc.

En quoi ces valeurs sont-elles donc valables, grands dieux ? En quoi peuvent-elles même coexister avec l’idée de compétition sportive ? N’en sont-elles pas très diamétralement l’antithèse ?

Le sport n’est-il pas la forme polie de la guerre ? Si l’homme cessait d’être un loup pour l’homme, continuerait-il seulement d’exister ? Si le sport est une activité naturelle, destinée à perfectionner l’art de l’auto-préservation, n’est-il pas contre-productif – voire sacrilège – de chercher à « civiliser » la chose en se serrant la main après chaque conflit ? Feindre de pardonner son adversaire a-t-il jamais permis de « civiliser » le genre humain ? Ou a-t-il, au contraire, inhibé toute impulsion de changement et de progrès, perpétuant la stagnation, historiquement incontestable, que l’humanité doit à la parenthèse chrétienne ?

Sans vainqueurs, il ne peut y avoir de changement : la victoire a pour fonction d’évacuer les systèmes et les idéaux périmés. Pardonner son ennemi est l’idéal chrétien par excellence (selon ma formule inlassable : la morale chrétienne, c’est un gay passif qui « pardonne » à un gay macho de l’avoir sodomisé un peu brutalement la veille) – or la « sportivité » dont fait preuve Jésus sur la croix n’est-elle pas la négation de tout l’intérêt productif du combat et du conflit ?

Le meilleur footballeur de tous les temps est – comme son nom l’indique – George Best (1946-2005), mais on lui refuse systématiquement ce titre (au bénéfice de tiers-monde du genre Pelé ou Maradona) parce qu’il était blanc, intelligent et drôle, multipliait les punchlines dandies, menait une vie de rock star et ne se gênait pas pour maltraiter ses adversaires. George Best est peut-être le seul héros qu’ait jamais produit le football, parce qu’il était un vrai sportif – c’est-à-dire un homme entièrement dépourvu de « sportivité »: fuck le baron de Coubertin, George Best était un gladiateur normal.

Cette notion stupide selon laquelle un ennemi a le droit de perdre avec dignité est une élucubration chrétienne qui révèle un besoin masochiste de frustration et de conflits irrésolus. En vrai, l’ennemi défait doit partir en rampant, léchant ses plaies, massant ses reins, et psychologiquement brisé – Alors, et si intense que soit sa rancune, il réfléchira deux fois avant d’engager le match retour.

George Best jouant pour Manchester, 1964

Bénédictions endiablées.

- 17 juillet 2018