lundi 12 juillet 2021

Season of Death

Amis chers, gens beaux et heureux,

Do what thou wilt shall be the whole of the Law.

C'est le troisième lundi après les feux de Litha et nous faisons mémoire de Grady Louis McMurtry, le saint calife Hymenaeus Alpha 777.

On m'a fait remarquer ce matin que, de la défaillance de Saturnus à se désigner un successeur — n'est-il pas cohérent qu'une âme qui a fait de Saturne son parrain renâcle à l'idée d'avoir un héritier ? — étaient sorties trois communautés, et que chacune d'elles s'était enracinée dans un pays à l'imagerie porteuse de douceur de vivre : respectivement la Californie, la Suisse et le Brésil.

J'ai répondu : "Mais le pays de la douceur de vivre est la France, première destination touristique du globe et inlassable destination militaire de l'Histoire, là-où-tout-le-monde-voudrait-être et d'où procèdent tous les empires sérieux, c'est-à-dire occidentaux, parce que tout aspire à retourner dans le giron du centre du monde et tout rayonne de lui, qui est le nœud Hartmann au cœur de la forêt de Chinon, où François Rabelais, de sainte mémoire, situe précisément le Pays de Thélème — Or, la France a été un désert pour que nous puissions venir."

Amis chers, la Lecture de ce jour est le Liber Liberi vel Lapidis Lazuli Adumbratio Kabbalæ Ægyptorium sub figurâ VII, chapitre 5, versets 1 à 4.

1. O my beautiful God ! I swim in Thy heart like a trout in the mountain torrent.

Commentaire : Par la voûte du corps de Nuit ! La truite des Agapes (voir notre commentaire sur le verset 57 du chapitre 4) était herméneutiquement oraculaire, en plus d'être succulente ! 

Bien l'occasion de rendre un hommage public à Soror Hypatie qui nous a servi hier :

- Un émincé de veau mariné sauce César, sur salade de salicorne, avec un Condrieu DePoncins blanc François Villard 2016

- Un filet de truite arc-en-ciel (donc) au basilic, tomates provençales et haricots plats, avec un Corton Charlemagne blanc Grand Cru 2015

- Un rôti de bœuf limousin et son jus à l'ail, pommes gaufrettes, avec un La Croix Mazarin Moulis en Médoc 2016

- Un clafoutis de cerises noires avec une blanquette de Limoux

< O dear my God ! what a feast Thou hast provided ! > (LLL 6, 42)

2. I leap from pool to pool in my joy; I am goodly with brown and gold and silver.

Commentaire : Sir Aleister dit que les pools en question sont les chakras. De quoi je déduis que, puisque Fontanelle -> Cœur -> Sexe, i.e. Kether -> Tipheret -> Yesod, correspond, dans l'ordre des feasts of the times, à Samhain -> Ostara -> Lugnasad, ma vie spirituelle doit être un festin obl(ig)atoire, ma vie sociale un spring break avec Selena Gomez en string, et ma vie active une perpétuelle orgie. 

Et le tout se cristallise dans mon pouvoir terrestre, i.e. en Malkuth, comme il est écrit <  I give you power earthly and joy earthly; wealth, and health, and length of days > (Tzaddi, 31), à quoi correspond Mabon, d'où le verset suivant:

3. Why, I am lovelier than the russet autumn woods at the first snowfall.

Commentaire : De ce verset, Frater Orpheus dit : < And this is the season of death 
— for to see God face to face, one must surely die. >


— L’épectase : celle du Régent, du président Félix Faure et du cardinal Daniélou. Ou la mort de vieillesse, à 165 ans, tendrement choyé par mes proches. Ou mourir d’épectase à 165 ans parce qu’une de mes proches m'a choyé un peu trop tendrement.

Ça me rappelle un texte admirable écrit par moi en 2010 e.v. :
Ma chère amie Prudence, reine du Questionnaire de Proust, me dit qu’aussi spirituelles que soient ses victimes, celles-ci donnent toujours des signes de malaise au moment de la question « Comment aimeriez-vous mourir ? »

« Généralement, le sujet s’en sort par un rire jaune, un mot d’esprit ou un lieu commun, sans cesser de gigoter… Marrant… »

Ne trouvez-vous pas étrange que la méditation de la mort nous soit aussi désagréable, alors que notre trépas final est la seule certitude absolue que nous ayons ici-bas ? (Raison pour laquelle je ne refuse jamais une aventure, si risquée soit-elle… je ne crains pas que cela finisse mal puisque, de toute façon, nous finirons mal…)

C’est actuellement, – comme vous le sauriez si vous lisiez ce blog avec un peu d’attention, – la période que les Anciens appellent « ménage de l’automne », c’est à dire le moment idéal pour les réflexions sinistres de ce genre et la confrontation au réel dans ce qu’il a de plus inexorablement funeste. Parlons mort.

Je n’arrive pas à prendre « la camarde » au sérieux. Elle n’a rien, selon moi, de la Treizième Lame du Tarot : elle n’est pas glauque – ni marécageuse – ni un squelette hyper mal fringué trimballant des outils agricoles. Dans notre religion, la mort est une fête (AL 2, 41). 

La seule chose qui m’intrigue, chez les morts célèbres, c’est leur « mot de la fin ».
  
Que Napoléon rende l’âme en disant : « Mon fils à la tête de l’armée », rien de plus naturel – mais où Piron est-il allé chercher son fameux : « Je m’en vais ou je m’en vas, l’un et l’autre se dit ou l’un et l’autre se disent » ?... Un tel hommage à notre grammaire, dans un moment pareil !... ça me rappelle Beauzée, le martyr de l’imparfait du subjonctif, qui, trouvant sa femme au lit avec un allemand, et entendant celui-ci balbutier : « Je vous l’avais bien dit, madame, qu’il fallait que je m’en aille… », répliqua sèchement : « Que je m’en allasse, monsieur ! »

Je soupçonne certains hommes de lettres d’avoir rédigé leurs dernières paroles à l’avance… du coup, je me suis attelé à trouver les miennes – en vain : je suis si peu funèbre que l’inspiration m’a déserté… j’ai bien pensé au jeu de mots vaseux « je ne fais que passer », mais on m’a affirmé que c’était déjà pris… sans compter qu’un « mot de la fin » nécessite une mort bourgeoise, popote… il est plus difficile d’obtenir l’attention de son entourage lors d'un crash en avion… tout au plus pourrai-je glisser à ma voisine, pendant que l’appareil plonge en piqué : « Vous devez salement regretter de n’avoir pas cédé à mes avances tout à l’heure… »
Parlant de Season of Death, je m'étais rendu compte, à l'époque, qu'aucun Trog du vieux pays gris n'avait la moindre idée de ce qu'était le Ménage d'Automne et avais cru devoir tenter, conformément au Serment Magique par lequel je me trouvais lié alors, de les éclairer, "comme on enseigne le calcul différentiel à un bushman" :  
Camus disait que, de toutes les questions philosophiques, le suicide était la seule qui présentât un intérêt; et je crois n’avoir jamais songé au suicide – il est très agaçant d’imaginer que Camus puisse, de sa demeure dernière, considérer ce que j’écris comme inintéressant, même si, en l’occurrence, c’est également ce que je pense de son œuvre – Traitons donc du suicide. Ça ne sera pas facile. Je suis peut-être la personne la moins funèbre du monde. Mais enfin, la vie est mortelle, et je ne veux pas croiser Camus dans l’au-delà sans pouvoir lui dire : « Alors Albert?... Avec ton prénom de chauffeur… Hein ?... Et là ?... Pas calmé ?... »
Notez que notre Loi interdit le suicide – le Liber Legis comporte trois interdits formels : un pour les seuls Thélémites (le suicide, AL 2, 73), un pour les Thélémites dans leur rapport aux Troglodytes (le débat, AL 3, 11), un pour les seuls Troglodytes (l'étude du Livre, Com l.2) – Mais je digresse.
Il se trouve que nous traversons, en ce moment, la saison où les suicides sont les plus fréquents. Les vingt-deux jours qui courent du 11 octobre à Samhain, et que nos ancêtres appelaient « Ménage de l’Automne » – non, certes ! par ironie envers les suicidés, mais par référence aux préparatifs domestiques traditionnels – sont, statistiquement, le temps par excellence de la mort volontaire.

On ne passe pas impunément de la beauté sensuelle et colorée de la Balance à la désagrégation venimeuse du Scorpion – Inconsciemment, l’homme perçoit tout à coup que la claire splendeur du début de l’automne était due à un phénomène de putréfaction, et c’est très désagréable – L’explosion de vie était un symptôme de mort – De fait, le plus beau corps du monde recèle un squelette, et c’est un squelette que les Egyptiens exposaient à leurs banquets, pour n’être pas tenté de l’oublier…

L’influence du Scorpion est celle de la cruelle désillusion. Elle nous communique l’esprit de Des Esseintes, à qui les nervures d’une fleur évoquaient la syphilis… Tout va à vau l’eau… Tout décroît…

Les mythes sont pleins de princesses qui se révèlent brusquement des serpents, des dragons, des requins… Il ne s’agit pas de pointes envers l’Eternel Féminin, mais d’images de ce processus de génération par la destruction – et, en fin de compte, ça revient au même…

Durant cette période, l’homme est momentanément sujet à ce que les psychiatres appellent Melancholia [ = passée la destruction d’un certain nombre de molécules d’ADN dans certains chromosomes des neurones du cerveau (68 % exactement), l’impulsion suicidaire devient irrépressible chez l’homme : il enclenche, en quelque sorte, un programme d’autodestruction parce qu’il sait ne plus disposer du minimum de ressources neurologiques nécessaire à l’accomplissement de sa fonction individuelle] : les dégâts causés étant irréversibles, il faut dégringoler jusqu’au néant total pour que tout puisse renaître – C’est donc la vibration complètement idéale pour une autolyse : la nature s’y livre avec une joie sadique, il n’y a qu’à suivre le mouvement.
4. And the crystal cave of my thought is lovelier than I.

Commentaire : Il est amusant que l'association des idées de cristallisation finale et de caverne sonne aussi "la mort vient à bout de tout" en mode mère-des-Wendols, quand on sait que l'école jungienne de psychanalyse appelle "cristallisation" ce qui détermine le sex-appeal féminin (= ce n'est pas Selena Gomez en string qui vous triggers, c'est l'impact archétypal des symboles dont Selena-Gomez-en-string est porteuse qui éveille et fixe la fantasmatique stockée/refoulée dans votre subconscient = très exactement l'arcane représenté par la découverte d'une assemblée de lutins et de fées dans les bois la nuit de Lugnasad, etc.) 
– d'où < thy death shall be lovely > (AL 2, 66).

Ce que méditant, allez, amis chers, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons DIEU.

Belle journée à tous.

Love is the law, love under will.


- ☉︎ in 20° ♋︎ : ☽︎ in 17° ♌︎ : ☽︎ : Ⅴⅴⅰⅰ.