dimanche 11 juillet 2021

Délassements de Raminagrobis

« Sir Shumule est un roi barbare mérovingien parachuté dans l’occident chrétien démocratique et décadent. » — Odilon, 2011.
Amis chers, gens beaux et heureux,

Do what thou wilt shall be the whole of the Law.

C'est l'aube du troisième dimanche après les feux de Litha et diriger une Abbaye de Thélème me fait, en réalité, me sentir alternativement, et parfois simultanément, comme Albus Dumbledore à Poudlard et comme le despote de quelque état voyou de type Transinistrie, Abkhazie ou Haut-Karabagh.

Nous célébrons la Messe Gnostique à onze heures et j'ai surpris, cette nuit, durant l'installation du Temple, ce dialogue entre le jeune Thomas, nouvel arrivant, et l'indispensable Soror J, qui sera notre Prêtresse :

Thomas : Je n'en reviens pas... Le Sir est monstrueusement gigantesque !... il "fait" combien ?!

Soror J : Un mètre quatre-vingt-seize et, à force de bombance, il passe largement les cent kilos...

Thomas : D'accord... Pas le chat de Chester, donc, mais Raminagrobis...

Je tiens à ce que cette Messe soit aussi somptueuse que possible — Je veux du trop — du trop comme dans too much — car nous faisons mémoire de Bardesane d'Edesse, dont il est dit :
Bardesane avait reçu une éducation aristocratique. Éphrem le Syrien rapporte qu'il vécut dans le luxe, s'habillant de caftans sertis d'émeraudes. L'évêque Abercius d'Hiérapolis, qui rencontra Bardesane, nota qu'il se distinguait par sa noblesse et sa richesse.
Amis chers, la Lecture de ce jour est le Liber Liberi vel Lapidis Lazuli Adumbratio Kabbalæ Ægyptorium sub figurâ VII, chapitre 4, versets 56 à 59.

56. Thou shalt be like a little red worm on a hook.

Commentaire : Principe même du Hameçon Hermétique : notre impulsion initiale vers le Grand Œuvre procède toujours d'une mauvaise raison — c'est le ver au moyen duquel les Chefs Secrets nous appâtent.

Qui, dans cette génération, n'a pas cherché à prendre part à sa première Messe Gnostique après avoir vu Eyes Wide Shut ? — mais c'est un principe général : à l'autre extrémité des préoccupations humaines, les entomologistes avouent n'avoir eu l'idée d'étudier les insectes qu'en apprenant que la femelle du scorpion dévore son partenaire pendant l'acte sexuel.

Enormément d'internautes ont accepté notre Loi sous l'influence de Georgina "Da'at Darling" Rose, qui s'est finalement avérée, en plus d'une fattie des Appalaches, un lamentable cas d'attention whoring ultrawoke.

Certains m'en veulent encore de m'être un peu emporté à l'arrivée de Georgina, et d'avoir imprudemment prophétisé qu'elle serait la Femme Ecarlate de la Génération Z : ils me relaient ses dernières déclarations :


Ma foi, n'est-il pas écrit de la Femme Ecarlate déchue qu'elle rampera (AL 3, 43) ?...

< Moi qui suis au-delà de la Sagesse et de la Folie > (Tzaddi, 38), je vous dis : il n'y a pas de "mauvaise" raison de se rapprocher du Temple — Voyez : je m'apprête, comme chaque année, à partir en villégiature dans l’agreste manoir déglingué d’un ami — J’affectionne tout particulièrement cet être, auquel certains milieux parisiens font la réputation d’avoir assassiné sa mère, son beau-père et son frère cadet (il y a aujourd’hui prescription), puis d’avoir enseveli leurs corps dans la forêt complexe qui borde le domaine (variante entendue : il les aurait tous trois découpés à l’office, et livrés en pâture à ses dogues Canario, qui sont réellement des animaux splendides).

De son côté, il dit abominer mon œuvre (« érotisme de vieillard libidineux et catéchèse initiatique », ptaz !), mais admirer « l’aura surréaliste » que me confère, selon lui, l’« inceste babylonien » de ma généalogie personnelle (ainsi qu’aucun de mes lecteurs OG ne l’ignore, Maman était aussi ma grand-tante. No, seriously.)

Vous comprenez ? Il n'y a pas de "mauvaises" raisons à une belle amitié définitive.

57. But thou and I will catch our fish alike.


Commentaire : Le Poisson résume toute la Doctrine Secrète parce qu'il est le seul être dont les Déluges ne perturbent en rien les habitudes — Je me suis laissé dire que Soror Hypatie préméditait de servir, cet après-midi, aux Agapes, des filets de truite arc-en-ciel au basilic avec tomates provençales et haricots plats, et c'est une façon plutôt indolore d'intégrer la Doctrine Secrète.

58. Then wilt thou be a shining fish with golden back and silver belly: I will be like a violent beautiful man, stronger than two score bulls, a man of the West bearing a great sack of precious jewels upon a staff that is greater than the axis of the all.

Commentaire : Récemment, de minables petits wannabe leaders sans envergure sont venus me trouver pour me dire : "Vous êtes l'auteur le plus révéré, le plus haï et le plus craint de tout internet, et vous restez underground : montons quelque chose ensemble, nous pouvons vous assurer des centaines de milliers de followers..." — Je les ai fait chasser de l'Abbaye et leur ai défendu de reparaître jamais en ma présence : Raminagrobis décide seul du lieu et du temps de son rayonnement ou de sa dissimulation 
 je ne partage pas ma légende : le phare, < unique et érigé > (Cordis 5, 26), a t-il un quelconque besoin des insectes nocturnes que sa lumière attire ?

59. And the fish shall be sacrificed to Thee and the strong man crucified for Me, and Thou and I will kiss, and atone for the wrong of the Beginning; yea, for the wrong of the beginning.

Commentaire : < L'erreur du commencement >, c'est-à-dire le Rosebud. J'écrivais à ce sujet, le 9 juillet 2012 e.v. :
Cette année encore, nous passons l’été à l’ombre de notre chère vieille baraque féodale, et c’est une excellente chose – même si l’idée de « château », qui, pour vous, évoque celle de confort, se trouve être, ici, depuis mon plus jeune âge, synonyme de « travaux permanents », de « chaudière en panne » et de « gouffre à finances ».

Parlant de finances, je me demande souvent si tous les gosses de riches se sentent comme moi, relativement aux biens de ce monde : lorsque je considère la parabole, le message du « Rosebud » de Citizen Kane, je m’y retrouve intégralement…

Il règne chez nous un luxe effréné – j’ai la manie, le toc, la rage du too much. Mais, en ce qui me concerne, c'est une question de cadre. Hormis la Chopard Ice Cube à mon poignet, souvenir du Seul Vrai Grand Amour de ma Vie (Ô perte irréparable ! Ô lifelong affliction Ô brain damage !), ma tenue n’a rien que de très classiquement élégant. Je ne suis ni un libanais tentant de rendre tolérable une apparence de gnome maléfique en brandissant son pouvoir d’achat, ni un blaireau très jus de raisin, avec son brushing, son 4X4 et son Bernard Tapie.

Du reste, l’acquisition en soi ne m’a jamais intéressé. J’ai toujours été unfashionable, et n’ai jamais cru devoir acheter quelque chose que je ne désirais pas à la seule fin de susciter l’envie de mes proches – peut-être est-ce aussi que, doté d’un membre de cheval, je n’ai pas eu besoin de ces substituts-là...

La plupart du temps, je m’en tiens à des choses simples, telles que contempler mes très balladuriens ciseaux à cigares, comme s’ils étaient de fabuleux saphirs. Ils sont si propres, si lisses, si vierges de toute souillure, si parfaitement inutiles aux yeux du vulgaire… Un verre d’eau minérale pure, claire, glacée, peut, même pour un ivrogne de mon calibre, devenir, par temps chaud, un nectar extatique, qu’il convient de savourer, de déguster, avec autant de soin qu’un immense millésime...

J’ai des voitures que je ne conduis pas, des livres que je ne lis pas, des amis que je ne vois pas – mais ils sont là – et cela suffit à combler mon besoin d’eux, jusqu’à ce que le temps vienne pour moi de désirer à nouveau être en leur présence. Non que je les méprise ; mais je suis trop facilement dévié vers des hommage plus accessibles, auxquels mon indolence donne la priorité.

Voilà pourquoi je relis sans arrêt le livre que j’ai à portée de main, sans jamais me dire : « Quelle idée de passer tout ce temps plongé dans le même vieux bouquin, alors que je pourrais en sélectionner un autre dans ma bibliothèque ! » –  c’est simplement qu’il me suffit de parcourir indéfiniment le même ouvrage. Cela ne me semble ni pénible, ni gênant. Est-ce si différent que de contempler le même lac tous les jours ? Or, le méditant qui s’absorbe quotidiennement dans la contemplation d’un lac sonne très spirituel, au lieu que rouvrir sans cesse le même épisode des aventures de Red Sonja semble weird et dépourvu d’intérêt. Pour moi, le principe est le même…

En dehors de mon goût pour la décoration, j’achète peu, parce que je possède déjà trop. Des vêtements que je ne porte pas, des sabres que je ne polis pas, des flingues dont je ne me sers pas, de la technologie rétrograde, des télescopes sans étoiles… Dans un Nouvel Ordre Mondial exclusivement voué au consumérisme, je suis une plaie. Je pourrais désirer quelque chose de neuf – quelque chose de 2.0… Mais non. Je me contente de regarder mon fils, mes pitbulls, mes tableaux sur les murs, les toiles d’araignées hors d’atteinte de la femme de ménage…

Lorsqu’on me dit que je devrais « faire de nouvelles expériences » ou « élargir mon horizon », je demande : « pourquoi ? » Je puis aller sur notre terrasse, observer le parc que je connais par cœur, et ne rien désirer de mieux. A ce train-là, je finirai par comprendre le choix du moine chrétien, seul dans sa cellule avec son chapelet. Quoique… J’en doute… J’aime trop la beauté, je l’ai trop connue, et j’ai trop besoin de sa proximité physique... En fait, mes acquisitions passées me possèdent, et j'y reste fidèlement attaché, si inconséquentes qu’elles puissent sembler aux autres.

Toutes mes possessions viennent, peu ou prou, des victoires de mes Ancêtres. Elles représentent leurs succès, et la perpétuité de notre lignage dans un monde condamné à l’abâtardissement, au split familial motivé par l’égoïsme hystérique et l’appât du gain. Ma chevalière à nos armes est l’antithèse exacte du cours des choses – mes ciseaux à cigares sont parfaitement oiseux – mais ils sont mon héritage et suffisent à ma satisfaction.
Ce que méditant, allez, amis chers, sous la protection de cette sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part et que nous appelons DIEU.

Beau dimanche à tous.

Love is the law, love under will.


- ☉︎ in 19° ♋︎ : ☽︎ in 4° ♌︎ : ☉︎ : Ⅴⅴⅰⅰ.

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