jeudi 14 janvier 2021

Le canard mandarin est le fondement du monde

Amis chers, gens beaux et heureux,

Do what thou wilt shall be the whole of the Law.

Un de mes élèves, qui se veut "de droite dure" (c'est Freud qui serait content), s'apprête à lancer un podcast traitant exclusivement de sujets "sociétaux et politiques" (ce qui déjà, en soi, est gay — gay de nuance "je ne suis pas immature", s'entend, mais surtout gay) et m'a interrogé sur "l'angle" à donner à la chose.

Je lui ai dit : "Pour devenir célèbre, aujourd'hui, dans la, hem, "droite dure", il te suffit de ne pas oublier qu'il y avait, à Versailles, sous Louis XIV, des gens qui évoquaient avec nostalgie la splendeur des Valois.

"Tout changement d'Æon entraîne un changement de norme sociale, qui entraîne un sentiment de perte totale de repères et, chez les gens du peuple, déjà lourdement grégaires, une aspiration fervente au "standard" du troupeau.

"Il est, dès lors, facile de passer pour un brillant analyste en décrivant simplement, méticuleusement, la situation et en montrant, avec agressivité, "bon sens" et ironie, en quoi elle tranche sur l'Amérique des années 50 — L'astuce est, bien sûr, de ne jamais révéler à ton auditoire que, dans le cours de l'histoire humaine, l'aberration culturelle intégrale, — née d'une situation politico-économique délirante, 100% artificielle, donc transitoire et, par définition, impossible à reproduire, — est, précisément, l'Amérique des années 50.

"Ne parle ni d'âge d'or immémorial, ni de lendemains qui chantent : parle de gens ordinaires comme si ordinaire était un compliment — c'est-à-dire de tout ce qui sonne Æon d'Osiris : autorité paternelle (Asar), femmes soumises (Isis) et "diables" (Set) à qui attribuer la disparition de l'autorité paternelle et de la soumission des femmes (au choix: gauchistes, francs-maçons, féministes, juifs, illuminati, reptiliens, que sais-je ?) : je te promets, au nom d'Ann Coulter, un auditoire docile (les gens voudront te croire) et que tu atteindras sans effort (encore une fois: contente-toi de décrire la situation, avec humour, culture livresque mais fermeté burnée, épais bon sens nord-américain et recours systématique aux mèmes internet qui, par nature, sont sécurisants), tu atteindras, dis-je, à la renommée de Rush Limbaugh !"

Amis chers, la Lecture de ce jeudi est Liber A’ash vel Capricorni Pneumatici sub figurâ CCCLXX, versets 21 à 24.

21. These animals are sacred unto me; the goat, and the duck, and the ass, and the gazelle, the man, the woman and the child.

Commentaire : De ce verset, Achad a dit :
duck (canard) : je ne sais pas pourquoi, à moins qu'il ne s'agisse d'une symbologie liée à ses œufs.
A quoi le Maître Therion (qu'il soit béni et vénéré) a répondu qu'il ne le savait pas non plus.

Mon bien-aimé Maître, le vicomte de C., nous a dit un jour : < L'allusion, dans ce verset, est à l'aix galericulata, le canard mandarin > – mais comme il n'a pas développé davantage, sa parole m'est, dans un premier temps, sortie de l'esprit : ce n'est qu'après sa mort, en 2010 e.v., que j'ai tâché d'en percer le sens.

Le canard mandarin est, par dessus tout, un idéal d'harmonie conjugale – Le mâle et la femelle sont toujours attentifs l'un à l'autre, toujours gentils et doux dans leurs manières, jamais ni bruyants ni querelleurs, mais invariablement calmes et paisibles.

Ils forment le modèle ultime d'abolition du binaire : merveilleusement beaux, totalement imperturbables dans les difficultés, ils restent ensemble (étant une espèce hivernale) quand tous les autres volatiles ont migré et demeurent l'un près de l'autre quel que soit le climat.

Parmi les animaux sacrés, qui, étant sept, correspondent aux étapes du Pilier du Milieu, il est donc parfaitement normal que le canard mandarin soit Yesod.

(NB : Bouc = Malkuth, le pouvoir temporel, la matière, le Capricorne, etc. ; Canard = Yesod, donc, pour les raisons exposées ci-dessus ; Âne = première marche, le tragique de l'existence, aussi : l'obstination à suivre la voie verticale à la croisée des chemins ; Gazelle : Tipheret, le principe solaire auquel le lion s'alimente ; Homme = deuxième marche, la pomme d'Adam ; Femme = troisième marche, intersection des Sentiers de Daleth, Vénus, et de Gimel, la Lune ; Enfant = Kether, évidemment, la couronne de Heru-Ra-Ha et la fontanelle ouverte.)

22. All corpses are sacred unto me; they shall not be touched save in mine eucharist. All lonely places are sacred unto me; where one man gathereth himself together in my name, there will I leap forth in the midst of him

Commentaire : De ce verset, Achad dit que les < corpses > dont il est question se réfèrent à la ligne 26 de la Key Scale, donc à l'Atu XV.

D'où les interdits relatifs aux cadavres : ce n'est pas le contact à la décomposition qui rend le prêtre impur, mais le fait que cette décomposition soit le signe de la séparation de l'âme et du corps, i.e de la déconnexion, de l'horizontalité temporelle dépourvue de verticalité spirituelle.

C'est, en effet, le principe même d'Ayin : la terre produit les nuages qui nous cachent le soleil : l'opacité matérialiste cache la Lumière (Tipheret) à l'intellection humaine (Hod).

23. I am the hideous god; and who mastereth me is uglier than I.

Commentaire : Me demandant comment DIEU, dont la manifestation dans le monde est la Beauté (Nuit, < la manifestation > [AL 1, 1], est appelée < the beauteous one > [AL 1, 26]), peut Se qualifier Lui-même de < hideux >, i.e. de ce qu'il y a de plus éloigné de la Beauté, j'ai découvert que les mots hideous et hideux viennent de l'ancien français hideus, qui vient du latin hispidus, variante, par un dialecte osque ou ombrien, de hirsutus (hirsute, hérissé), qui vient d'hirtus (hérissé, rude, grossier), qui vient de l'indo-européen commun *ĝhers- (qui signifie littéralement "dru" et désigne tous les animaux à poils durs), qui a donné hircus : le bouc.

Cela m'a fait penser à Azazel, le bouc émissaire, chargé des péchés du peuple et envoyé perdre dans le désert, dont le Lévitique (17, 7) sous-entend qu'il est une exception à l'interdiction de sacrifier aux démons.

Il m'est apparu que c'était là tout le sens de dépassement du binaire, dont du retour à l'Un (i.e. à DIEU) par l'acte de contrition (Ziu).

Je m'en suis ouvert à Frater N., qui m'a envoyé le texte suivant, sans m'en indiquer la provenance, ni l'auteur.
Le plus haut niveau de pardon émane de la source même du Chesed divin. Il vient d'une grandeur infinie qui englobe à la fois la vision la plus complète et l'examen le plus détaillé. Ce niveau connaît le saint et le "bien" avec tous leurs avantages, ainsi que le profane et le "mal" avec tous leurs inconvénients. Il reconnaît que tout est mesuré à l'échelle exigeante de la justice divine et que les tendances au mal et à la destruction servent également un but dans l'univers. Un niveau de pardon aussi élevé comprend comment, dans l'ensemble, tout s'emboîte.

Or, cette reconnaissance crée une dialectique compliquée. Il y a une distinction claire entre le bien et le mal, la vérité et le mensonge, la noblesse et l'avilissement. La vérité absolue exige que nous affrontions les voies de l'idolâtrie et du mal, en acte et en pensée; elle s'oppose à toute répulsion, impureté et péché. Pourtant, dans sa grandeur, elle trouve une place pour tous. Seule une compréhension élevée peut absorber ce concept: comment combiner tous les aspects de l'univers, comment organiser chaque force, comment étendre une main mesurée à tous les contraires, tout en délimitant correctement leurs frontières ?

Azazel est le culte des démons - la sauvagerie démoniaque et la barbarie effrénée qui se trouvent dans la nature humaine. Pour cette raison, l'offrande a été envoyée sur une falaise désolée dans le désert sauvage. L'idée de la contrition est d'être capable d'atteindre un niveau qui confère une reconnaissance limitée même au mal démoniaque d'Azazel. À ce niveau, tous les défauts sont transformés et rectifiés.

La connaissance abstraite que le mal a également un but dans le monde doit être reconnue, d'une certaine manière, dans le service de Dieu. En éthique pratique, cependant, il n'y a pas de place pour ces connaissances. Au Ciel ne plaise que le mal soit considéré comme bon, ou que les méchants soient considérés comme justes. Par conséquent, la chèvre d'Azazel a été envoyée dans un endroit désolé et stérile - un endroit inhabité par les gens. La société humaine doit être fondée sur un mode de vie juste, guidé par des aspirations de sainteté et de pureté.
Amen.

24. Yet I give more than Bacchus and Apollo; my gifts exceed the olive and the horse.

Commentaire : La ville de Vichy fut, dans l'Antiquité, un centre important du culte initiatique du dieu thrace Sabazios, dont mon bien-aimé Maître disait qu'il représente la réussite optimale, puisque, étant Liber Pater et Sol en une seule personne, il symbolise la parfaite fusion du Bacchique et de l'Apollinien.

Au plan bacchique, mon Maître buvait étonnement peu pour un Thélémite : si l'on portait un toast, il avalait une gorgée de champagne en l'honneur de Nuit, mais ne consommait pas de boissons fortes.

En revanche, lorsque des visiteurs arrivaient, il nous faisait leur servir des alcools variés, disant que < to each man and woman that thou meetest, were it but to dine or to drink at them, it is the Law to give > implique que < l’invité doit toujours se sentir chez lui > et que < Do this quickly > signifie que < la table de festin n’est pas le lieu pour modifier le comportement des autres ou étaler sa vertu. >

J'ai mis un certain temps à comprendre que, son refus de l'ivresse étant un hommage à la sacralité de celle-ci, donc un élément dionysiaque, mon Maître mâtinait ce refus d'un souci d'harmonie sociale, élément apollinien, pour formuler Sabazios.

Bonne journée à tous et à toutes !

Love is the law, love under will.

- ☉︎ in 24° ♑︎ : ☽︎ in 10° ♒︎ : ♃︎ : Ⅴⅴⅰ.